MERVEILLEUSE UNION DE LA COULEUR ET DU TRAIT
Classée M.H en 1972

Brinay au Nord du Cher élève sa modeste église du début XIe s. au centre du bourg. Petite église mais si riche de l’intérieur, elle est dédiée à Saint-Aignan, évêque d’Orléans. Très parcourue pour ses remarquables peintures, elles illustrent un savoir-faire admirable : vous le voyez, les murs du chœur sont entièrement recouverts de peintures mises à jour en 1913. Chacun des pans est consacré au cycle de la vie du Christ, selon 2 grands registres.
* Le Berry Roman à Vélo – Automne 2012.

À peine y serez-vous que vous serez probablement attiré par ce charmant village à découvrir en même temps qu’une visite à ne pas manquer à l’église.
Pourquoi l’église de Brinay, dans un village rural à l’écart des routes jusqu’au XIX siècle, possède-t-elle cette ensemble de fresques romanes ? C’est une question centrale. Sant Aignan, évêque d’Orléans qui en 451, défendit sa ville contre les Huns comme Sainte-Geneviève, sa contemporaine, défendit Paris. Il est prouvé que cette église était bien celle d’une paroisse rurale sous la dépendance de l’archevêque de Bourges. Vous retrouverez ce descriptif, ainsi que d’autres parmi ceux contenus dans le feuillet paroissial, qui évoque l’histoire de l’église et des fresques de Brinay.
L’ÉGLISE
Édifiée selon le pan rectangulaire, on pénètre par le caquetoire dans la nef, on s’y sent tout de suite bien. Probablement, est-ce dû à l’intimisme qui nous accueille à notre déambulation, dès les premiers pas. L’invitation à s’avancer plus loin ne se fait pas attendre car, il faut bien le dire, depuis la nef, nous sommes droitement attirés vers le chœur. Car en effet, lorsque l’on entre dans ne église romane, la première chose que l’on regarde, c’est vers le sanctuaire, le chœur, nous sommes orientés vers ici… Le cosmos s’incarne dans le chœur et l’église, c’est l’union de Dieu à celui-ci.
Avant de remonter plus haut vers le chœur, je stationne quelques secondes au centre de la nef : j’y observais la puissante voûte en chêne, et cet ensemble dégage, dès ma première observation. La nef apparaît plus sombre que le chœur, une nef dotée de fenêtres plein cintre à petits claveaux qui ont été modifiés au XIIe s.

Nous voici en lieu semi-obscur, ayant pour unique éclairage central un lustre à pampilles de cristal, lequel ferait un bel effet dans une pièce XIXe.
L’architecture n’a rien de remarquable. En relevant les ajouts modernes (clocher -caquetoire). Nous découvrons trois éléments principaux qui composent cette église, en terme d’architecture : la nef, le chœur et le chevet. Quant à la charpente en bois, typique de la région berrichonne, communique par une large baie en forme d’arche ouverte.
La partie la plus ancienne est le mur du chevet situé à l’Est, mur plat éclairé à l’origine par trois fenêtres, dont les traces encore existantes, permettent de dater l’ensemble du XIe s. Mais ce n’est pas tant cette architecture, d’ailleurs assez modeste, que d’autres niveaux qui feront le véritable objectif d’une visite. En effet, rares sont ceux qui ne seront pas immédiatement attirés par les peintures murales.
La découverte
En 1913, alors qu’un membre de l’Institut de France, au nom d’André Hubert vint en Berry, il visita la petite église de Brinay. C’est alors qu’il fit ici le constat de plusieurs couches de badigeons recouvrant les murs du chœur, après avoir fait quelques grattages, lesquels allaient révéler une richesse picturale. De subtiles peintures jusqu’ici cachées par les couches d’enduit furent mises à jour après son passage.
Selon le descriptif, réalisées aux XI et XIIe s., les fresques de Brinay ont été signalées en 1877, par Buhot de Kersers : il signala sur le mur Est de l’église des peintures avec des scènes à personnages entourées de bordures droites rougeâtres, qu’il pense être du XVe s.
L’atelier de Robert Bodouin à restauré les fresques en 4 campagnes de 1976 à 1992. Cette restauration est donc achevée. La déontologie de la restauration des peintures murales, définie par la charte de Venise en 1964, tient pour essentiel de respecter et de conserver la peinture originale. C’est pour cette raison que les lacunes, notamment celles du mur nord, correspondant à une perte définitive du décor, resteront lacunes. Les repeindre serait pure invention, et donc trahison de la peinture originale. En effet, lorsque vous orientez le regard en direction du mur nord, comme nous, un certain temps vous sera sans doute nécessaire pour reconstituer un morceau de scène biblique manquant.
L’ensembles des peintures murales
Datation : L’analyse comparative par les spécialistes des détails architecturaux, des mouvements, des vêtements du Christ, de la coiffure des paysans, fixe la date à la moitié du XIIe s.
La simplicité du plan a fourni à l’artiste de grandes surfaces planes qui correspondent à la nécessité technique de rapidité. On ne détecte pas les joints verticaux dans le travail. Le registre inférieur est en supérieur sur le registre supérieur. Les pigments suivant ont été identifiés : ocre rouge, ocre jaune, terre verte et blanche, vert à base de cuivre, noir de charbon et minium devenu noir par oxydation (se souvenir qu’il y a des gisements d’ocre proche : Coulanges à Brinay et à Saint Georges sur la Prée).
Une superposition de bandes de fond horizontales qui courent d’un bord à l’autre des compositions pour guider le regard, tend à lier les épisodes par une armature qui assure la cohérence plastique, et dirige le mouvement.
Une bande ondée représente le sol. L’alternance des bandes ocre, blanc, vert qui varie aux deux registres souligne la composition large et aérée. L’absence d’ombres, caractéristique du maître de Brinay, donne une impression irréelle d’un rêve céleste baigné d’une lumière qui vient de nulle part et semble émaner de partout, du mur lui-même. C’est un grand enlumineur à l’écriture libre, déliée, élégante. Le dessin glisse sans peine avec une simple et délicate virtuosité.
Si on regarde à nouveau les chevaux des Rois Mage, l’âne de la fuite en Egypte, les mains de la Vierge de l’Annonciation et les différentes représentations du Christ, on a la mesure de la maîtrise technique et artistique de l’artiste de Brinay.
L’église de Brinay garde dans ses murs les scènes Bibliques. La fidélité à l’évangile du déroulement des scènes permet d’imaginer les sujets, très effacés, du registre inférieur. Outre huit grand figures d’apôtres, nous découvrons l’essentiel selon le cycle de la vie du Christ qui se lit de gauche à droite :
Au mur nord : depuis la gauche du chœur, et sur le niveau supérieur du mur nord, la scène de l’Annonciation.
- l’Annonciation – Les peintures sont trop endommagées pour y observer la Vierge auréolée, la gestuelle des mains traduisant l’acceptation et l’ange Gabriel (ange de la communication) qui se tient debout devant Marie et la salue.
- La visitation est symbolisée par Elisabeth et la Vierge s’étreignant.
La Nativité : La Vierge vêtue de rouge, est couchée dans un grand lit en forme de bercelonnette ; au dessus, l’enfant Jésus, dans une crèche de forme carrée, est réchauffé par l’haleine de l’âne et du bœuf. Joseph est assis sur un siège carré.
- L’Annonce aux bergers montre un ange dans un halo qui parle à quatre bergers : l’un joue de la syrinx, l’autre souffle dans une corne pour rassembler les troupeaux représentés par deux chèvres affrontées.
- Les Rois Mages : à droite du mur nord, se retrouvent sur les deux registres. Au registre supérieur, l’arrivée des mages et au registre inférieur, le départ des mages. « Ils vinrent d’un côté et repartirent d’un autre pour éviter d’avoir à renseigner le tétrarque de Galilée ». Sur leurs chevaux alternés blanc et alezan clair, richement harnachés, les rois astronomes sont vêtus de courtes tuniques. L’une des couronnes est ornée de fleurs de lys.

L’arrivée des Rois Mages – début XIIe s.
L’Évangile canonique de Matthieu est le seul à mentionner l’arrivée des mages, visitant Jésus, nouveau-né. Balthazar, Melchior et Gaspard sont mentionnés plu tard dans l’Évangile apocryphe arménien (vers le VIe s.), et au début du XIIe s. les trois personnages sont considérés comme rois.
Trois teintes ont été ici utilisées : l’ocre jaune, rouge et blanche, pour mette merveilleusement en relief tant les personnages que leurs chevaux. Comme on le voit sur ma photo, un effet de mouvement est obtenu par jeux de superposition, via de larges frises comprenant ce magnifique vert-bleu unique à Brinay. Le traitement quant à l’encadrement de cet ensemble iconographique, est inspiré par le style ottonien – XIe s.
L‘histoire des Mages m’a toujours passionnée, je l’évoque dans plusieurs articles.

Sur le mur du chevet – A gauche, après les rois mages :
- Sous le Massacre des Innocents
- la Présentation de Jésus au Temple. Joseph apporte deux tourterelles au grand prêtre : l’enfant Jésus est porté par le prophète Siméon à droite, la prophétesse Anne et la Vierge. De l’autre côté de la fenêtre, l’Avertissement de l’Ange à Joseph de fuir le Roi Hérode et Jérusalem.
- La Fuite en Egypte

La Fuite en Egypte est de la deuxième moitié du XIIe s. Au Moyen Âge, les peintures ont été recouvertes de plâtre, puis découvertes en 1913. Les sites d’ocre de la région, tels que St-Georges-sur-la-Prée et Coulanges ont vraisemblablement fourni les pigments naturels.
Marie est assise en amazone sur un âne. Elle porte l’enfant Jésus qui tend ses deux mains vers l’avant, alors que Joseph ouvre la marche.
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Bientôt : suite publication
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Merveilleuse église, merci pour ce beau voyage dans le Berry roman.
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En effet Billy, c’est une merveilleuse église.
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Sublime article, merci à vous Muriel et heureux solstice et Noël au cœur.
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Baptiste, merci pour votre sympathique commentaire, heureux préparatifs de Noël à vous aussi.
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En tout cas, beaucoup d’églises qui nous sont fermées sont un crève coeur. Merci pour votre bel article.
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Oui je suis d’accord avec votre avis posté et c’est probablement pire que ce que pouvons imaginer, avec la covid.
Superbe cette église du roman, mille merci chère Muriel! Quelle belles fresques!
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Bien vous renseignez, les amis, certaines églises, romanes voire autres, resteront ouvertes pendant les fêtes de Noël.
Avoir confirmation en contactant les mairies.
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Muriel
Mon intérêt manifesté pour les œuvres romanes allait déjà grandissant et ce matin, lisant votre édito comme chaque mois, je suis immergé de merveilles, quel bonheur de découvrir sur votre site! Quelles belles oeuvres peintes d’artistes! J’émets un commentaire à ma visite: va t’elle être ouverte, je viens dan le Berry aux alentours du 21 décembre et le passe sanitaire pour visiter l’église à Brinay est-il indispensable s’il vous plait?
Merci beaucoup pour Berry au coeur de France que je viens voir avec grand plaisir chaque fois, bonne continuation.
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Bonjour Lucas, merci de porter votre intérêt aux églises romanes et être venu ici en témoigner. Les œuvres picturales romanes sont en effet d’une pure merveille. Je serais ravie de vous lire, ayant eu le bonheur d’une visite à Brinay selon la date que vous me communiquer ici. Vous pouvez dès aujourd’hui prendre contact avec la Mairie de Brinay – 8 route de Quincy – selon les horaires que je transmets ci-dessous :
– Lundi au mardi : 13h 30 à 17h 30
– Mercredi : 08h 00 à 12h
– Jeudi et vendredi : 13h 30 à 17h 30
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Muriel je découvre par votre page Facebook une magnifique église. Bravo pour votre site et un grand merci pour vos publications. Cordialement.
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Bienvenue au cœur de notre province du Berry, Paul Henry. Merci pour votre commentaire, oui en effet, je l’ai publiée hier.
Au plaisir !
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Une mine de connaissances du Berry, un accueil très intéressant pour les visiteurs, un site accessible et très utile pour découvrir, visiter le Berry. Grand merci à vous Muriel.
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Très belle église romane.
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J’adore cet endroit, j’y suis allée déjà 2 fois.
Eglise romane magique ! 🙂
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